Faut-il dire « un après-midi » ou « une après-midi » ?

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La langue française est riche, complexe et parfois source de confusion pour ses locuteurs, qu’ils soient natifs ou apprenants.

Parmi les nombreuses interrogations que soulève son usage, l’une d’entre elles concerne un moment particulier de la journée : l’après-midi.

Faut-il dire « un après-midi » ou « une après-midi » ?

La réponse à cette question n’est pas si évidente, car elle varie selon les sources et les époques.

Nous allons examiner cette problématique sous différents angles, en analysant l’évolution de l’usage, les arguments linguistiques et les recommandations des spécialistes.

Au fil de notre exploration, nous découvrirons que la langue française est un organisme vivant, en constante évolution, et que les règles qui la régissent sont parfois le fruit de l’usage et de l’histoire.

Alors, prenons notre courage à deux mains et plongeons ensemble dans l’univers passionnant de la langue de Molière !

L’évolution de l’usage : « un après-midi » ou « une après-midi » ?

Pour mieux comprendre d’où vient cette hésitation entre « un » et « une » après-midi, il est nécessaire de jeter un œil à l’évolution de l’usage au fil des siècles. En effet, la langue française a connu de nombreuses transformations, et l’emploi de certaines expressions ou formes a pu varier selon les époques et les régions.

  1. Le Moyen Âge et l’Ancien Régime : À cette époque, on utilise plutôt « un après-midi », en référence au latin « post meridiem », qui signifie littéralement « après midi » (midi étant alors considéré comme le milieu de la journée). Cette forme reste majoritaire dans les textes jusqu’au XVIIIe siècle, bien que l’on trouve déjà quelques occurrences de « une après-midi », notamment chez des auteurs comme Rabelais ou Montaigne.
  2. Le XIXe siècle : À partir du XIXe siècle, l’usage de « une après-midi » se répand de plus en plus, notamment sous l’influence de la poésie romantique. Les poètes comme Lamartine, Hugo ou Gautier emploient cette forme pour créer des effets d’harmonie, de musicalité ou d’assonance dans leurs vers. Cependant, « un après-midi » reste courant, et les deux formes cohabitent sans véritable règle établie.
  3. Le XXe siècle et aujourd’hui : À l’ère moderne, l’hésitation entre « un » et « une » après-midi persiste. Certains auteurs, comme Proust ou Gide, préfèrent « un après-midi », tandis que d’autres, comme Colette ou Queneau, optent pour « une après-midi ». Les dictionnaires et les grammaires sont divisés sur la question, et les usages varient selon les régions, les générations et les préférences personnelles.

Les arguments linguistiques : règles, exceptions et analogies

Face à cette incertitude, on peut se demander s’il existe des arguments linguistiques qui permettraient de trancher entre « un » et « une » après-midi. Examinons quelques aspects de la grammaire et de la morphologie qui pourraient éclairer notre lanterne.

  • La règle générale : En français, le genre des noms est généralement déterminé par leur terminaison. Les noms en « -age », « -ege », « -é », « -ée », « -isme », « -asme », « -as », « -is », « -os », « -us », « -ex », « -ix », « -ou », « -eu », « -œu », « -eux » sont masculins, tandis que ceux en « -tion », « -sion », « -aison », « -ence », « -ance », « -ude », « -tude », « -ure », « -eure », « -ière », « -é », « -ée », « -té », « -ie », « -erie », « -aisse », « -esse », « -isse », « -oise », « -euse », « -ouse », « -ise », « -yse », « -ose », « -ur » sont féminins. Cependant, cette règle connaît de nombreuses exceptions, et l’après-midi en fait partie.
  • Les exceptions : La langue française est truffée d’exceptions, et il n’est pas rare de trouver des noms dont le genre ne correspond pas à la règle générale. Parmi ces exceptions, on peut citer : « un amour », « un délice », « un orgue », « un éloge », « un page », « un arpent », « un legs », « un sceau », « un manège », « un repaire », « un oasis », « un parvis », « un mur », etc. L’après-midi est donc loin d’être le seul cas problématique en matière de genre.
  • Les analogies : En l’absence de règle claire, certains locuteurs pourraient être tentés de se référer à des analogies avec d’autres noms de temps ou de moments de la journée. Ainsi, on dit « un matin », « un soir », « un printemps », « un été », « un automne », « un hiver », ce qui plaiderait en faveur de « un après-midi ». Cependant, cette analogie est contrée par l’existence de « une matinée », « une soirée », « une journée », qui pourraient justifier « une après-midi ». De plus, l’analogie n’est pas toujours un bon guide en matière de genre, comme le montrent les exemples de « un arbre » et « une plante », « un fleuve » et « une rivière », « un lac » et « une mer », etc.

Les recommandations des spécialistes : une question de style et de préférence

Devant cette impasse, que disent les spécialistes de la langue française ? Les grammairiens, les lexicographes et les académiciens ont-ils une position tranchée sur la question de « un » ou « une » après-midi ? Examinons leurs avis et conseils, en gardant à l’esprit que la langue française est un organisme vivant et que les règles qui la régissent sont parfois le fruit de l’usage et de l’histoire.

  1. L’Académie française : La prestigieuse institution, gardienne de la langue française, a longtemps hésité entre les deux formes. Dans la première édition de son Dictionnaire (1694), elle indique que « après-midi » est féminin. Cependant, dans les éditions suivantes (de la deuxième à la huitième), elle le considère comme masculin. Enfin, dans la neuvième édition en cours de publication, l’Académie admet les deux genres : « L’emploi du féminin est aujourd’hui très courant, et l’on dit indifféremment un ou une après-midi ».
  2. Les dictionnaires et les grammaires : Les ouvrages de référence reflètent cette hésitation. Certains, comme le Larousse, le Robert ou le Bon Usage de Grevisse, admettent les deux genres, avec une préférence pour « un après-midi ». D’autres, comme le Dictionnaire de l’Académie des belles-lettres de La Haye (1762) ou la Grammaire de Port-Royal (1660), optent pour « une après-midi ». Enfin, quelques-uns, comme le Dictionnaire de l’Académie de Besançon (1840) ou le Dictionnaire de l’usage de la langue française de Barré (1927), proposent une distinction entre « un après-midi » pour désigner la durée et « une après-midi » pour désigner le moment.
  3. Les auteurs et les écrivains : Comme nous l’avons vu précédemment, les écrivains français ont utilisé indifféremment « un » ou « une » après-midi, selon leurs goûts, leur style ou leur époque. Certains ont même employé les deux formes dans leurs œuvres, comme Flaubert, Zola, Maupassant, Apollinaire, Eluard, Sartre ou Duras. Cette diversité d’usages montre que la question du genre de l’après-midi est avant tout une question de préférence et de sensibilité artistique.

Le bon usage en pratique : comment choisir entre « un » et « une » après-midi ?

Après cette exploration historique, linguistique et littéraire, on peut se demander comment trancher, en pratique, entre « un » et « une » après-midi. Voici quelques conseils pour vous aider à faire votre choix, en fonction de différents critères.

  • Le registre de langue : « Un après-midi » est souvent considéré comme plus soutenu et plus correct, tandis que « une après-midi » est perçu comme plus familier et plus poétique. Selon le contexte, le public et l’effet recherché, vous pourrez donc opter pour l’une ou l’autre forme en toute connaissance de cause.
  • La cohérence : Si vous employez à plusieurs reprises l’expression « après-midi » dans un même texte, il est préférable de rester cohérent et de choisir un genre unique. Cela évitera de perturber ou de dérouter votre lecteur, qui pourrait sinon s’interroger sur une éventuelle différence de sens ou d’emploi entre les deux formes.
  • La sonorité : Enfin, n’oubliez pas que la langue française est aussi une musique, et que le choix entre « un » et « une » après-midi peut dépendre de la sonorité, de la cadence ou du rythme de votre phrase. Laissez-vous guider par votre oreille et votre instinct, et n’hésitez pas à tester plusieurs versions pour trouver celle qui vous convient le mieux.

La question de « un » ou « une » après-midi est un bel exemple de la richesse, de la complexité et de la diversité de la langue française. Comme souvent, il n’y a pas de réponse unique et définitive, mais plutôt une palette de nuances, de choix et de préférences qui font la beauté et la vitalité de notre idiome. Alors, la prochaine fois que vous hésiterez entre « un » et « une » après-midi, souvenez-vous que vous êtes en bonne compagnie, et que les plus grands auteurs, grammairiens et académiciens ont eux aussi navigué dans ces eaux troubles et fascinantes. Et surtout, n’oubliez pas que la langue est un instrument de communication et d’expression, et que l’essentiel est de vous faire comprendre et d’exprimer vos idées avec clarté, précision et élégance.

Alors, « un » ou « une » après-midi ? La réponse est sans doute « les deux » – et c’est là tout le charme et le mystère de la langue française.