«Annie colère», «Maestro(s)»: quels films aller voir cette semaine?
«Annie colère» parle de l’avortement, Kore-eda traite une fois de plus de la famille, «Utama» nous entraîne en Bolivie, vous aurez l’embarras du choix.
«Annie colère», du particulier au collectif

«Annie colère»
Résumer «Annie colère» pourrait se faire en deux ou trois lignes. En 1974, des ouvrières pratiquent l’avortement de manière illégale et surtout se fédèrent dans l’espoir de faire changer la loi, ce qui finira par arriver. Ces mots ne racontent le film qu’en partie. Si Blandine Lenoir, réalisatrice obstinée et déterminée, choisit de décrire un combat dont l’importance historique n’est plus à démontrer, elle y met autant en valeur l’individu que le corps social. Le particulier que le collectif.
L’un ne va pas sans l’autre, mais l’énoncer ne suffit pas. Dans cette fiction, les personnages se révèlent au sein du groupe, ils et elles se dessinent et n’acquièrent une vie propre que parce qu’ils ou elles adhèrent à un tout qui finit par les dépasser. Ce n’était sans doute pas chose aisée que de maîtriser ces deux aspects, de gérer l’histoire et les innombrables histoires qu’elle peut contenir.
Le casting n’est pas étranger au maintien de cet équilibre. Hormis Laure Calamy, dont la capacité à se fondre dans un rôle ne cesse, d‘un film à l’autre, d’étonner, le film ne contient pas de têtes d’affiche. Ce relatif anonymat (les comédiennes et comédiens ne sont pas non plus des inconnus) sert clairement le propos, qui consiste à narrer une aventure collective.
Blandine Lenoir y a sans doute songé au moment de faire ses choix et surtout de travailler les nombreuses scènes de groupe qui ponctuent son film. Ne jamais voler la vedette, ne pas mettre en avant une telle au détriment d’une autre. C’est du jonglage, et même si cela se résout en partie au stade de l‘écriture – le scénario est coécrit par la talentueuse Axelle Ropert –, il faut encore pouvoir l’adapter devant la caméra. Le sérieux du film s’en ressent. Sa nécessité n’en est que plus évidente.
Note: ***
«Les bonnes étoiles», les joies de la famille

La fausse famille de «Broker».
Elite
À quoi reconnaît-on un film de Hirokazu Kore-eda? À une chose: il y a toujours un motif familial au centre de l’intrigue. Ce «Broker» n’y fait pas exception. Comme dans «La vérité», «Une affaire de famille» ou «Tel père, tel fils», la famille est le pivot de toute l’intrigue. Cette fois, il s’agit du périple d’une fausse famille tentant de trouver un foyer à un bébé. Le sujet est grave, son traitement plutôt cocasse, constamment en demi-teinte.
L’ensemble commence néanmoins sous les pires auspices, puisque dès la première séquence, on voit une jeune femme déposer un nourrisson devant une boîte à bébé. Il s’agit là d’un motif de mélodrame, qui va reprendre ses droits, plus tard, après une incursion chez des trafiquants d’enfants qui tentent de revendre le bébé aux plus offrants. Ce pourrait être sordide, mais la caméra de Kore-eda demeure légère, comme s’il s’agissait de filmer des scènes burlesques, ce que la conclusion du film va désamorcer. Cohérent avec son œuvre, mais sans fulgurances.
Note: ***
«Mother Teresa & Me», trop sage

Louise va au cinéma.
Dans le tout-venant des nouveautés cinéma, on ne s’attendait pas forcément à voir surgir un biopic sur Mère Teresa. Sauf que ce n’en est pas vraiment un, comme l’indique le titre, qui fait référence à deux instances narratives. «Mother Teresa & Me» raconte à la fois la célèbre religieuse, qui toute sa vie s’est dédiée aux pauvres de Calcutta, et une jeune britannique d’origine indienne, Kavita, qui à son tour découvre l’un des visages de l’Inde actuelle.
Le film entremêle ces deux destins, tout en interrogeant le thème de la foi. Le propos est noble, mais ce film de Kamal Musale chemine sans originalité vers une conclusion toute tracée. Il aurait fallu un peu plus d’audace derrière l’hagiographie, plus de passion entre ces scènes manquant cruellement de folie.
Note: *
«Maestro(s)», bourgeois réacs

Pathé Films
«Maestro(s)»: tout est dit dans la parenthèse. Fils de Pierre Arditi, Yvan Attal est comme lui devenu un célèbre chef d’orchestre. Au point d’être courtisé par la Scala de Milan. Sauf que celle-ci contacte par erreur le père et non le fils. Et comme tous deux se détestent cordialement depuis des années, cela ne va pas arranger les choses. Dans ce combat entre deux comédiens grimaçants chargés d’incarner des personnages antipathiques, le spectateur reste sur le carreau.
Dans ce drame à l’ancienne, et d’ailleurs filmé comme tel, le milieu de la musique classique est décrit comme un monde concentrationnaire peuplé de vieux bourgeois réacs pétris de principes. Ce n’est pas plaisant un instant, les comédiens cachetonnent sans faire d’efforts, se contentant de déambuler dans des appartements haussmaniens au luxe indécent.
Note: °
«Utama», réchauffement en Bolivie

Trigon
Certains se font une idée des films du Sud, ensemble qu’on désignait il y a quelques années comme le cinéma du tiers-monde, craignant des métrages arides, lents et aux codes peu familiers. Des préceptes qui ont rarement cours, désormais. Sauf exception. «Utama» pourrait en être une. Récemment présenté au festival Filmar en América latina, ce long métrage bolivien signé Alejandro Loayza Grisi dresse un portrait assez aride de paysans filmés dans leur quotidien sur l’Altiplano menacé par une sécheresse grandissante.
Il s’agit donc d’évoquer le réchauffement climatique et d’en montrer une conséquence possible en évoquant l’exode des habitants de la région vers les grandes villes. C’est louable, filmé sur un rythme lent qui épouse le propos, et présente un aspect documentaire nullement déplacé.
Note: **
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