Les bouteilles en plastique bientôt consignées ? Voici ce qui pourrait être mis en place

En décembre, 22 000 bouteilles ont été récoltées grâce à la machine de recyclage installée il y a quelques semaines dans le Super U d'Alençon.
59 % des bouteilles en plastique sont recyclées en France. (©L’Orne hebdo)

Les murs sont en train de trembler au ministère de la Transition écologique où la concertation sur la consigne des bouteilles en plastique a repris ce lundi 30 janvier 2023.

La secrétaire d’État à l’Écologie, Bérangère Couillard, a réuni les quelque 80 acteurs du secteur (industriels de l’agroalimentaire, de l’embouteillage, supermarchés, associations d’élus, mais aussi associations de consommateurs et ONG) afin d’étudier des scénarios qui pourraient être mis en place. La décision sera prise en juin.

À la base, cette initiative avait été envisagée par le gouvernement lors du vote de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) en 2020, mais a finalement été retirée du texte suite à la vive opposition des collectivités locales.

Cette loi fixe un objectif de taux de collecte pour recyclage des bouteilles en plastique pour boisson de 77 % en 2025 et 90 % en 2029. Mais aujourd’hui, on n’y est pas. Seules 59 % des bouteilles en plastique sont recyclées en France. La consigne est-elle la solution ?

Ce qui pourrait être mis en place

Il faut d’abord savoir de quoi on parle. La consigne consiste à acheter un peu plus cher sa bouteille d’eau puis, on la dispose dans un automate contre quelques centimes rendus par un automate.

Si des « consignes sauvages » se multiplient sur les parkings des supermarchés, cette pratique n’est pas organisée. Pourtant, elle fait ses preuves chez nos voisins européens. En valorisant l’objet plastique, les taux de recyclage ont augmenté, notamment en Allemagne où le taux de retour s’élève à 90 % selon le Centre Européen de la consommation. Et si le modèle s’installait dans l’Hexagone ? Voici à quoi ça pourrait ressembler.

Sept scénarios à l’étude

Sept scénarios établis par l’Ademe sont actuellement étudiés au ministère. Ce qui diverge entre eux : la nature des produits qui pourraient être consignés. Toutes les bouteilles, tous les emballages, uniquement le plastique PET (polyéthylène téréphtalate, le plus courant), et pourquoi pas les canettes et les briques alimentaires ?

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30 000 automates pourraient être installés en France métropolitaine, selon Nicolas Garnier, délégué général de l’association Amorce contacté par actu.fr, qui était autour de la table des négociations ce lundi 30 janvier au ministère de la Transition écologique, 

Où pourra-t-on les retrouver ? Le maillage du dispositif est un des enjeux principaux. À quelle distance un consommateur est prêt à aller pour récupérer quelques centimes ?

Il serait possible de retrouver les automates principalement dans les supermarchés (le commerce de proximité ne serait pas concerné). Des pistes pour l’espace public sont à l’étude.

Et comment cela va marcher ? En résumé, la bouteille coûtera un peu plus cher dans les rayons de votre supermarché. Une somme qui sera remboursée lorsque la bouteille sera rapportée vide à l’automate.

15 centimes en plus par bouteille serait l’option la plus probable, selon Nicolas Garnier. « Si on descend en dessous de dix, ce n’est pas assez incitatif », souligne-t-il.

Des acteurs en désaccord

Mais ces pistes doivent être débattues. En France, la consigne déchaîne les passions. Différents acteurs du secteur sont en désaccord. L’un des principaux champs de bataille concerne les modalités de collecte. Deux pistes sont à l’étude : 

  • la consigne pour recyclage : la bouteille est broyée en paillettes pour en refaire des nouvelles avec cette matière ;
  • la consigne pour réemploi : l’objet est utilisé de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel il a été conçu.

Plusieurs associations défendent la consigne pour réemploi. Zero Waste France, Surfrider et cinq autres associations demandent son retour dans un communiqué.

« On préfère du plastique qui soit réutilisé plutôt que recyclé. Pour recycler une bouteille d’eau, il faut réinjecter de la matière première issue de la pétrochimie. Le réemploi est plus efficace à long terme pour réduire nos déchets », nous explique Manon Richert, porte-parole de Zero Waste France, précisant que la généralisation des contenants en verre serait préférable à l’usage du plastique. 

De son côté, Citeo, qui organise le recyclage d’emballages ménagers en France, opte pour l’autre voie. « La consigne pour recyclage est un levier qui nous semble efficace, on préfère avoir un emballage recyclable à l’infini. S’il faut atteindre les 90 % d’ici 2029, il faut un saut de performance. Avec la gratuité du geste du tri, je ne suis pas sûr qu’on y arrive. La consigne, plus incitative car rétribuée, peut être une solution », explique Philippe Moccand, directeur schéma industriel de l’entreprise.

La question pourrait vite être soldée par le cadre des négociations. Les acteurs que nous avons contactés nous ont confirmé que la piste de la consigne pour recyclage était privilégiée.

Le modèle économique du recyclage

Pour comprendre l’opposition de certains acteurs du secteur, il faut savoir qu’il existe des enjeux financiers autour du système de collecte de déchets actuel. S’il y a moins de bouteilles en plastique dans nos bacs jaunes, cela représente un manque à gagner pour les collectivités locales (qui revendent le contenu des poubelles de tri de la commune à des recycleurs). Négocié entre 600 et 700 euros la tonne, le plastique PET à recycler est en effet devenu une manne pour les communes.

Améliorer le tri avant tout

Qu’elle soit pour le réemploi ou le recyclage, d’autres acteurs ne veulent tout simplement pas entendre parler de consigne. C’est le cas d’Amorce, association qui regroupe les collectivités organisatrices de la collecte et du tri des déchets. Son délégué général dénonce le projet : « Deux systèmes de collectes sélectives vont coexister (la consigne et le tri sélectif). Il faudra financer les deux », regrette-t-il.

Ce dédoublement n’a pas de sens. D’autant plus que, depuis le 1er janvier 2023, les règles du tri ont changé. Depuis cette date, tous les emballages en plastique vont dans la poubelle jaune (celle du tri). Barquettes, pots de yaourt, sachets, tubes de dentifrice, gourdes de compote, sacs en plastique… intègrent la filière du tri.

Pour certains acteurs, il faudrait d’abord améliorer le système de collecte avant de développer la consigne en France.

Sophie Sicard, référente déchets industriels pour Paprec, une entreprise française de collecte et recyclage de déchets, appelle à faire un « plan de communication massif pour augmenter la collecte » plutôt que de « créer un réseau pour gérer le flux d’un seul élément en plastique ».

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La consigne est hyper séduisante car elle apporte une solution toute prête sauf que notre problème aujourd’hui est beaucoup plus important. Il faut s’attaquer à l’ensemble des emballages.

Sophie SicardRéférente déchets industriels chez Paprec

Une autre voie

Les opposants à la consigne sont nombreux à opter pour la sixième voie : la consigne dématérialisée. C’est notamment ce que pousse la Paprec dans les négociations.

Au lieu d’avoir des machines dans des supermarchés, le consommateur pourrait scanner sa bouteille avant de la mettre dans son bac jaune. Une « consigne à domicile » qui permet de récupérer quelques centimes et de ne pas être limité par la taille des automates. 

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