Il faut le lui remettre, Pierre Poilievre est passé maître dans l’art de choquer.
Il joue avec la polémique comme un incendiaire avec des allumettes.
Dernier tour de passe-passe : Le chef du Parti conservateur aurait commis un crime de lèse-majesté en osant s’en prendre à Radio-Canada. Pire encore, il a embauché le principal fauteur de troubles Elon Musk pour poursuivre sa croisade.
La manœuvre est fondamentalement biaisée. Les conservateurs ont toujours reproché à Radio-Canada ses penchants idéologiques libéraux. L’extrême prudence et les gants blancs avec lesquels l’entreprise publique couvrait le dossier d’ingérence chinoise n’ont fait qu’ajouter de l’huile sur le feu.
Mais dans cette dernière escapade, il y a plus qu’une simple tactique pour mobiliser les militants les plus acharnés.
Il y a une rébellion soigneusement orchestrée contre les élites et leurs dogmes moralisateurs.
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Débat interdit
Chaque région du pays a sa vache sacrée.
Au Canada anglais c’est le multiculturalisme, au Québec il faut croire que c’est Radio Canada.
Car il faut souligner que la réaction épidermique contre la croisade anti-CBC de Pierre Poilièvre est beaucoup plus prononcée de ce côté-ci de la rivière des Outaouais.
Ce n’est pas pour rien qu’il s’abstient de viser Radio-Canada et de menacer de la définancer. Même les commentateurs anglophones l’ont remarqué.
Oui, un radiodiffuseur public, deux friches. À cet égard, CBC/Radio-Canada peut se vanter d’être un digne reflet de la réalité canadienne.
Nous pourrions bien couper les cheveux en quatre pour voir si l’étiquette «financé par le gouvernement» est correcte. Le message que Pierre Poilièvre a voulu faire passer est que la chaîne reconnaît l’idéologie dominante des élites canadiennes qui contrôlent le pays. .
Loin de moi l’idée de clarifier la question ici, d’autres s’en chargeront.
Mais pourquoi ce débat est-il indigne d’un futur Premier ministre ?
Radio-Canada croit-elle vraiment qu’elle est au-dessus de toute remise en cause de ses préjugés, inconscients ou non?
Tout le reste de la société est soumis à un tel exercice. Les médias, d’ailleurs, adoptent ouvertement bon nombre des leurs.
Mais non, Justin Trudeau et Jagmeet Singh sont indignés. Les cerveaux ont parlé.
Valeurs
Là où Justin Trudeau a raison, c’est quand il dit que l’attaque du chef conservateur contre « l’institution fondatrice du Canada », Radio-Canada, reflète ses valeurs profondes.
Il a raison.
Pierre Poilievre n’entend pas se faire élire en naviguant dans les nuances du dogme canadien. C’est en les débloquant.
Radio-Canada, Banque du Canada, Forum économique mondial, taxe carbone sont autant de symboles pour alimenter sa croisade contre les élites et leur vérité.
Au Canada anglais on les appelle l’élite laurentienne, au Québec ils ont plusieurs noms, la clique du Plateau, la gauche montréalaise…
Peu importe…
En cultivant ces dogmes et en s’indignant de leur remise en cause, cette élite oublie qu’elle s’érige en maître et contribue ainsi à radicaliser le discours de ses adversaires.
Pour preuve, Pierre Poilievre n’a plus peur de l’indignation qu’il inspire. Au contraire, il s’en nourrit.