“Il ne suffit pas que l’industrie réduise les prélèvements d’eau”

La Fenarive rassemble les acteurs de la filière autour de la thématique de la gestion de l’eau, dans un contexte de plus en plus tendu lié à la ressource en eau sur le territoire français.

La Fenarive est une association créée en 1952 à l’initiative d’industriels basés dans l’Est de la France. Suivant le Loi sur l’eau de 1964L’association a étendu ses activités aux six bassins fluviaux français. Des industriels de tous secteurs et des associations professionnelles ont progressivement rejoint l’association, ainsi que de grandes entreprises comme EDF et SNCF.

Christian Lecussan, Président de Fenarive, est également Vice-Président du Comité de Bassin Seine-Normandie et membre du Conseil d’Administration de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie. Il a expliqué la mission de Fenarive à Engineering Technics, notamment accompagner les entreprises industrielles dans leurs procédés de traitement des eaux usées et réduire leurs prélèvements d’eau.

Techniques d’ingénierie : quelles sont les missions de Fenarive ?

Christian Lécussan : Nous, avec l’ensemble de la filière que nous représentons, nous concentrons sur les problématiques liées à l’eau, avec une approche essentiellement technique, en essayant d’être un interlocuteur privilégié du Ministère de l’Ecologie afin d’assurer le meilleur lien entre les différents acteurs de l’Amélioration gestion de l’eau de production utilisée par l’industrie.

Le corps d’eau La conférence du Président de la République à Savines-le-Lac en mars dernier a mis en avant la question de “l’eau” et depuis nous sommes très sollicités de toutes parts, notamment des pouvoirs publics, ce qui montre que la les problèmes sont ronds les ressources en eau sont au cœur des préoccupations d’aujourd’hui, et c’est tant mieux.

Quand les industriels ont-ils pris conscience des problèmes liés au prélèvement et au traitement de leurs eaux usées ?

Je dirais que les constructeurs en sont conscients depuis au moins vingt ans. La création des agences de l’eau dans le cadre de la loi de 1964 a avant tout profité aux industriels, même si l’enjeu à l’époque était avant tout de limiter la pollution de l’eau, pas la consommation d’eau. . Si l’on regarde ensuite les chiffres, on constate que les prélèvements d’eau de l’industrie ont fortement diminué depuis le début des années 2000, ce qui montre que l’industrie dans son ensemble est aux prises avec ce problème depuis un certain temps. Les événements de ces dernières années – inondations, sécheresses, etc. – ont bien sûr donné une dimension plus urgente au problème de disponibilité de la ressource en eau et montré à tous les secteurs qu’il faut continuer à travailler pour limiter la pollution et la consommation. l’eau par l’industrie.

Comment les industriels s’y prennent-ils aujourd’hui pour réduire leurs prélèvements d’eau et traiter leurs eaux usées ?

Il faut comprendre que réduire la consommation d’eau ne suffit pas pour l’industrie. Il est également nécessaire de réduire la contamination de l’eau à la sortie du procédé pour rester cohérent avec la Directive-cadre sur l’eau Ces deux aspects de la problématique de l’eau, pollution et consommation, doivent donc être abordés ensemble. L’objectif est d’améliorer les processus utilisés dans les différentes industries et donc d’innover. Si on veut réduire la consommation d’eau et la pollution de l’eau utilisée par l’industrie, il me paraît indispensable de développer la recherche fondamentale en France de manière plus durable, que ce soit en chimie, biologie, physique… Ce sont les sciences qu’il faut l’amélioration des connaissances et du savoir-faire qui permettent l’introduction de technologies innovantes pour la gestion de l’eau.

Comment expliquer la très faible réutilisation des eaux usées après traitement en France ?

Le cadre réglementaire en France pour la réutilisation des eaux industrielles est très contraignant et très mal perçu par l’ensemble des secteurs industriels. Au niveau du ministère de la Santé, il y a un blocage qui empêche les industriels français de réutiliser leur eau, comme c’est le cas dans d’autres pays européens par exemple. Des pays comme l’Espagne ou l’Italie ont un taux de réutilisation des eaux usées proche de 15% alors qu’en France on ne dépasse pas 1%. Nous luttons pour des avancées dans la réutilisation de l’eau par les industriels développant des moyens intéressants pour collecter, traiter et réutiliser leur eau, mais dont la mise en œuvre est actuellement bloquée par les autorités.

Pouvez-vous nous donner un exemple?

Parmi nos adhérents, un abattoir en Normandie qui utilise de l’eau potable et a développé un procédé de traitement de son eau afin qu’elle puisse être décontaminée puis réutilisée pour le lavage des sols. Le procédé qu’ils utilisent est un procédé d’osmose inverse, le même que celui utilisé en Ile-de-France pour traiter l’eau potable. Pour des raisons d’hygiène, cet abattoir s’est vu refuser la mise en œuvre effective de ce procédé par les autorités. Cependant, l’eau traitée dans cet abattoir répond aux normes de qualité applicables à ce type d’utilisation.

Pensez-vous que ce cadre va évoluer à court terme ?

Je ne vois pas comment le cadre réglementaire français pourrait rester tel quel. Elle doit évoluer, la question est plutôt de savoir jusqu’où on peut aller en matière de réutilisation. C’est assurément une étape nécessaire pour permettre aux industriels de développer des stratégies ambitieuses de gestion de l’eau.

Quel rôle joue Fenarive dans la mise en place de solutions communes entre les différents acteurs du secteur ?

Nous voulons trouver des liens entre toutes les activités que nous représentons. L’objectif est de trouver un cadre pour le développement d’une politique commune de l’eau. Cela passe par la généralisation des bonnes pratiques au sein de chaque activité, mais aussi par la collaboration entre secteurs industriels pour développer sur le terrain des solutions communes de gestion de leur eau. La gestion de l’eau est avant tout une gestion locale. En France, l’empilement des structures de gestion complique la tâche des industriels, qui ne savent pas toujours vers qui se tourner. Il y a aussi des marges d’amélioration à ce niveau, mais il est certain que les acteurs devront trouver des solutions très locales, par exemple à l’échelle d’une zone industrielle, pour limiter leurs prélèvements.

Interview de Pierre Thouverez